L’univers de Batman est
probablement celui qui nous offre le plus de « vilains »
remarquables. Parmi eux, le Joker, le
Pingouin, Double-Face, Mr.Freeze. Ce dossier a pour but d’analyser certains de
ces personnages, pour montrer que malgré que cet univers soit souvent limité à
Gotham-Arkham, il est en réalité bien plus vaste qu’il n’y paraît. Cependant,
j’aimerai d’abord faire un point sur la symbolique d’un « méchant »,
pour mieux appréhender les dizaines de personnages passionnants que je risque
d’aborder plus tard.
LA SYMBOLIQUE DU MÉCHANT :
Un héros est très souvent défini
par ceux qu’il combat. Que cela soit dans les univers DC comme Marvel, dans
Mario comme dans Sonic. Personne n’échappe à la règle. Observez l’univers de Spiderman et
rendez-vous compte à quel point les méchants occupent une place indispensable
dans le monde de l’homme araignée. Que serait Spiderman sans Venom, Le Bouffon
Vert ? Que seraient les X-men sans Magnéto ? Superman sans Darkseid,
Brainiac ? On peut légitimement se demander quel sont les véritables rôles
de ces méchants. Sont-ils là pour rendre le héros simplement encore plus
héroïque ? Ou pour apporter plus que cela ? Apporter une réflexion,
ce petit quelque chose qui fait avancer l’univers, qui affecte le héros, qui
change notre vision des personnages, qui change ce que l’on pensait de
l‘univers lui-même. Ce petit quelque chose qui dit que rien ne
sera plus pareil après un combat ou une story line.
Par exemple, l’excellent Batman : Silence donne un tout autre regard sur l’enfance de Bruce Wayne, et on se rend compte que son passé ne se résume pas au meurtre de ses parents dans Crime Alley, et que lorsque ce passé refait surface, il peut mettre en péril tout l’équilibre de Bruce et de sa famille. Silence est un méchant efficace et passionnant, mais j’en reparlerai plus tard.
Selon moi, le fait que l’on puisse se dire : « Il y a un avant et un après ce combat avec ce méchant » est la définition d’un méchant réussi. Pour en revenir à Batman, chaque altercation avec le Joker affecte Bruce Wayne, change quelque chose, apporte un aspect tragique, un changement de personnalité, comme après la mort de Jason Todd par exemple. Chaque combat est un tournant. Chaque tournant la possibilité d’élargir l’univers et d’apporter quelque chose de nouveau, de plus sombre. Une dimension, une psychologie plus profonde.
Cependant, un méchant ne doit pas
nécessairement être l’exact opposé du héros. C’est au contraire la possession
d’un spectre de méchants qui cerne au mieux toute sa psychologie, tout ce qu’il
combat et les valeurs pour lesquelles il se bat. (Combattre l’injustice, la
pauvreté, protéger et servir entre autres…) Les deux partis s’affrontent mais
doivent se compléter pour être efficaces. Il y a un certain équilibre à respecter si on veut
que l’univers de méchants que l’on crée corresponde, mette à la fois en valeur
et en difficulté le héros. Et je trouve que ce point est précisément là ou
Batman excelle.
Le méchant peut avoir plusieurs
dimensions : être craint, respecté, parfois cruel, intelligent, brutal,
fou, incroyablement puissant.... Caractéristiques qui doivent l’une après
l’autre démontrer que le héros est plus fort, que ce pour quoi il se combat est
symbolique et mérite ce combat. Pour Batman, le spectre est complet, voir
doublement complet. Voyez plutôt :
- Le Joker, son Némésis, cruel, psychopathe, fou, mais qui reste incroyablement énigmatique et fascinant.
- Le Sphinx, Edward Nigma, qui met au défi son intelligence, sa raison.
- Bane, qui représente tout l’aspect brutal et violent que le crime peut prendre à Gotham.
- Carmine Falcone, Le Pingouin, des chefs mafieux, qui englobent une vision plus contemporaine du crime, des trafics à démanteler, des opérations de terreur à contrer…
- L’épouvantail, dont le symbole est de combattre ses peurs. Ras al Gul, Silence, Mr.Freeze, Le Chapelier Fou, Killer Croc, Gueule d’Argile, Double-Face, et j’en oublie… Sans compter sur toutes les fois ou Batman a affronté des méchants d’autres univers, et tout ce que l’on peut attaquer en dehors de Batman lui-même : sa famille, sa ville, Gordon etc…
Et pourtant, créer un bon méchant
n’est pas chose aisée. Plusieurs choses sont à soigner pour ce faire. D’autant
plus quand on veut en créer des dizaines pour le même héros : En effet,
personne ne veut voir plusieurs fois le même type de méchant, cela serait trop
redondant et pas assez original pour être à chaque fois intéressant, même si
c’est accompagné d’un bon scénario. Pour qu’un méchant soit convaincant, il
faut qu’il soit complexe, qu’il échappe aux caricatures, qu’il ait un passé
énigmatique, des origines singulières. Chaque personnage est unique par-là d’où
il vient, comment il en est arrivé là. Cependant, et je donne ici mon avis
personnel, j’aime lorsqu’un voile d’ignorance est laissé sur ces
personnages. Lorsque l’on ne sait pas
tout. Cela nous permet de nous projeter, d’imaginer, de mener notre enquête
tout seul et ainsi de prendre part avec encore plus d’intérêt à la trame de
l’histoire. L’impact sur le lecteur peut être différent selon les personnes,
mais il est nécessaire selon moi qu’un bon méchant inspire quelque chose :
des valeurs contraires à l’éthique, à l’entendement, inspire la peur, le
malaise chez le lecteur. L’effet d’un méchant ne doit pour moi pas seulement se
cantonner au héros mais aussi au lecteur.
LES MECHANTS DE BATMAN :
Je vais donc vous parler de
certains méchants du Bat-verse qui illustrent pour moi ô combien cet univers
est juste et réussi à la perfection.
Le prince du crime de Gotham : Le Joker.
Personne ne connaît vraiment ses
origines. Personne ne sait qui il est. C’est ce qui rend sa folie si
passionnante et intrigante. Une histoire revient plus souvent que d’autres
cependant : celle d’un comique raté engagé par le gang du Red Hood pour
commettre des braquages et des crimes quelconques. Le gang du Red Hood
fonctionne de la façon suivante : Un bouc émissaire n’ayant aucun rapport
avec le groupe de criminels revêt le casque du Red Hood, pour lui faire porter
le chapeau si leurs opérations se passent mal. De cette façon, puisque le
fonctionnement du gang est inconnu de ce bouc émissaire, qu’il ne sait rien sur
personne, leurs secrets restent bien gardés et ils n’ont plus qu’à trouver un
nouveau larbin pour lui faire porter le chapeau à leur place.
Le Joker serait donc issu de ce
mécanisme. Une opération à ACE Chemicals, usine qui va revenir très souvent par
la suite dans les crimes perpétués par le Joker, « là où tout a
commencé », tourne mal lorsque Batman surgit pour l’arrêter. Batman ne
peut cependant empêcher la chute du Red Hood dans un bac d’acide à l’issu de leur
combat, Batman créant ainsi le Joker, celui qui va devenir son Nemesis, son
contraire. Cette histoire est intéressante car elle est symbolique. C’est
Batman qui crée le Joker. Pourtant, aucune certitude n’enveloppe cette version,
un immense point d’interrogation reste posé sur le clown, et c’est aussi ce qui
fait sa force, car rien ne peut être utilisé contre lui puisque l’on ignore
tout de lui.

Le personnage de ce roman, nommé
Gwynplaine, est un mutilé qui arbore un sourire sur son visage, et qui rappelle
étonnement la figure du Joker. Le personnage a en fait offensé le roi James II,
qui a ordonné de mutiler le visage du malheureux pour former un rictus qui ne
partirait jamais.
Voici une réplique étonnante de
Gwynplaine :
« Je
représente l'humanité telle que ses maîtres l'ont faite. L'homme est un mutilé.
Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la
justice, la vérité, la raison, l'intelligence, comme à moi les yeux, les
narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de
colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. »
Cette réplique pourrait paraître anodine
dans ce type de roman, ais pourtant on retrouve selon moi un aspect de la
psychologie du Joker. Ce personnage sait qu’il n’est qu’un parmi tant d’autres,
qu’il est conscient que son rôle n’est pas déterminant. On retrouve cet aspect
chez le Joker, qui a l’air de comprendre qu’il n’est que fictif, et que sa vie
n’a pas grande importance puisqu'il y aura toujours quelqu’un comme lui pour
réaliser les mêmes atrocités. Je vous encourage à aller regarder ce film, qui est disponible en plusieurs parties sur Youtube.
Voici maintenant une interview de Bob
Kane, le co-créateur du clown, expliquant sa création :
Côté interprétations, 5 Jokers
sont à signaler. Celui de Romero en 1966, celui de Mark Hamill dans la série
animée à partir de 1992 et dans les jeux-vidéos, notamment la série Arkham,
Jack Nickolson, Heath Ledger et Jared Leto. Tous apportent leur grain de sel
personnel dans l’interprétation de ce personnage, peut être l’un des plus
difficile à jouer de tous les personnages de comics au cinéma. Personnellement,
je reste un inconditionnel du Joker que l’on voit dans les jeux-vidéos et dans
la série des Akham. Celui de Mark Hamill. Cette voix, même le doublage
français, est tellement Joker. En plus, avec l’invention et l’introduction dans
l’animé de 1992 d’Harley Quinn (Et oui, c’est la série animée qui l’a créée et
non pas les comics), il est pour moi le meilleur Joker. Regardez cette vidéo
qui montre Mark Hamill doubler le Joker, même doubleur, on dirait qu’il est
possédé par le personnage.
Je ne vais pas décrire toutes les
atrocités que le Joker a pu commettre au fil des années et des histoires dans
Batman et autres. J’espère que vous aurez compris que ce personnage a une
dimension inégalée parmi tous les méchants de comics confondus. Il est fou,
mais nous l’admirons. Il est cruel, mais il nous passionne. Il est effrayant
mais on veut le voir à l’action. Je suis prêt à dire que Bob Kane, Bill Finger
et Jerry Robinson ont créé un chef d’œuvre de personnage qui rythme encore
aujourd’hui le monde de la pop culture.
Dans le prochain article de ce dossier, je parlerai de
Silence, qui est méconnu du grand public et qui pourtant mériterait plus
d’attention. Je vous présenterai les séries de comics Batman qui sont pour moi
les meilleures, et j’introduirai également d’autres éléments, notamment les
références bibliques et religieuses que les auteurs ont utilisée pour créer
tous ces méchants, notamment Ras Al Gul.
A la prochaine pour un nouveau Road Trip !